Helluin est dissimulée dans les ombres à quelques pas du portail de la demeure de son enfance. Beaucoup de souvenirs déferlent, il y en a de très bon... et il y en a d'autres. L'information doit être bonne. Plusieurs sources l'ont confirmée.
C'est tout de même une coincidence troublante que le parchemin qu'elle recherche se trouve dans la bibliothèque de sa famille. En fait elle devrait peut être plutôt parler de son ancienne famille. Elle a coupé tous contacts lorsque son père s'est mis dans l'idée de la marier à un petit noble. Rien que d'y repenser son coeur s'accélère. Il lui faut quelques secondes pour recouvrer son calme. Mais c'est du passé. Comme elle sait si bien le faire elle va entrer, prendre ce dont elle a besoin et ressortir sans avoir été vue par quiconque. Rien de différent. Rien de personnel. Il faut s'en convaincre.
Passer par le toit simplifira la tâche. En quelques tractions elle se retrouve au sommet de l'édifice. Une glyphe de garde de seconde catégorie a été posée sur la fenêtre à pignon. Du travail d'amateur. Sa famille ne doit plus être dans une aussi bonne situation financière. Le mage qui a posé les protections remonte dans son estime quand elle découvre la seconde protection beaucoup plus subtile qui se cache derrière le leurre grossier. Mais ce n'est pas ça qui va l'arrêter.
A peine quelques battements de coeur plus tard elle se déplace silencieusement dans les couloirs. Rien a changé. L'odeur des lieux est toujours la même. Elle commence à se demander si, inconsciemment, elle n'a pas choisi exprès un accès qui lui permettrait de passer devant la porte de sa chambre d'enfant. Arrivée devant l'encadrure elle s'arrête et pose une main sur le bois laqué. Elle hésite à pousser la poignée. Les risques d'être repérée sont trop grands. Elle prend une grande inspiration et reprend sa route vers la bibliothèque.
Devant elle se dresse un gigantesque mur circulaire troué de casiers. Il doit y avoir un bon milliers de parchemin. Elle n'aime pas cette façon de garder l'information. Les humains et les nains ont depuis longtemps optés pour les livres, eux. C'est stupide de continuer à stocker les documents en rouleaux, pense-t-elle. Les elfs sont vraiment trop attachés à leurs traditions. Toute l'histoire de sa famille et bien plus se trouve là. Elle se souvient qu'elle aimait venir jouer ici. Sont père était toujours le nez dans les comptes et la gestion. Aujourd'hui encore elle trouve ça d'un ennui mortel.
Ses sens lui disent qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Dans son dos une voix s'élèvent :
- "C'est ça que tu es venue chercher ?"
Lentement elle se tourne. Devant elle se tient un elf à la stature puissante. De long cheveux blancs encadrent un visage sévère. La longue robe de velour rouge atteste d'un rang social élevé. Son père n'a pas changé. Dans sa main, levée négligemment, il tient un rouleau qui porte le signe distinctif de la corporation des Elodarims, ceux qui donnent vie à la peau morte. C'est effectivement ce qu'elle est venue chercher. Avec les secrets contenus dans le parchemin et l'aide d'un grand maitre elle sera en mesure de redonner vie à Koral'Hedana, une puissante armure magique. Cette quête l'obsède depuis sa rencontre dans la taverne. Mais pour le moment ses préoccupations sont bien différentes : elle fait face à son père. Elle se demande si il l'a reconnue. Elle est masquée mais il a le parchemin qu'elle est venue trouver. Elle ne sais pas quoi dire.
Comme s'il avait lu ses pensées son père dit :
- "Je sais que c'est toi, Helluin. Je suis au courant de ta quête." Un sourire moqueur apparait sur son visage : "crois-tu être la seule à avoir un bon réseau de renseignements ?"
Un frisson court le long de l'échine de la voleuse. De quoi est-il au courant au juste ? Elle qui pensait avoir tellement bien brouillée les pistes.
- "Alors comme ça tu convoites l'armure ?" Ajoute-t-il.
Son regard pénétrant examine sa fille de bas en haut : "Il est vrai que tu es devenue plutôt puissante... Tu n'es plus la jeune fille de mes souvenirs. Le sang de notre famille a su s'exprimer à travers toi. Je me suis peut être trompé sur ton compte."
D'un geste lent l'elf dépose le parchemin sur une des tables de travail, fait demi-tour et s'éloigne. Sur le seuil de la porte il s'arrete et sans se retourner, dit d'une voix où perce un ton à la limite de la menace :
- "Le parchemin est à toi pour le moment. Mais souvient-toi que je garde un oeil sur toi. Que tu le veuilles ou non tu appartiens à cette famille. Un jour où l'autre tu devras te soumettre à ses exigences."
Un dernier pas et il est sorti. Helluin reprend sa respiration. Ce n'est pas vraiment comme ça qu'elle imaginait ses retrouvailles avec son père. Elle doit sortir d'ici, elle étouffe. Elle se saisit du parchemin, le glisse dans une des poches de sa tunique et se dirige vers une sortie.
Un peu plus tard elle repense à la scène qui vient de se dérouler. Il y a beaucoup trop d'inconnues à cette equation. Certe elle a le parchemin. Ce qui signifie que la distance qui la sépare de la communion avec l'une des armures épiques de ce monde s'amenuise. Mais comment son père, un négociant aisé de Teldrasil qu'elle n'a pas vu depuis des années, peut il être au courant de son but ? Elle a été négligeante. C'est la seule explication qu'elle voit. Elle a la mauvaise impression que son destin ne lui appartient plus autant. Tellement de question se bousculent dans sa tête.