De la gnomille au gnomillon

Approchant timidement, Gwastuno s'appuya contre l'arbre à une vingtaine de coudées du brillant Lekevt. Ca ne faisait pas bien longtemps qu'il avait rejoint les zig' et déjà il se faisait à leur sympathique compagnie et partageait volontiers leurs moments enjoués sur la route.

Cependant ça ne suffisait pas à lui faire oublier son mal être. Son projet lui occupait chaque parcelle de son esprit. Il évitait les miroirs et passait son chemin quand on longeait un cours d'eau trop éclairé. De simple aspiration, cette idée s'était mue en obsession.

Muer... Ca oui ! Le terme était adéquat. Mais il avait besoin de conseils avisés et surtout surtout... d'une oreille attentive. Bien plus que de ses fichus démons (et surtout Bronynn !) qui en dehors de lui lancer des clés plates à la figure n'était pas d'une grande aide. Il se répétait les éléments dans sa cervelle avant d'expliquer son projet à Lekevt :

une enchanteur doué (et discret)
le plus grand spécialiste en création de golem
une pile à mithril ou mieux si c'était possible
une pierre d'âme temporaire

Peut-être alors... pourrait-il se libérer. Il déglutit un coup, attendit que Lekevt relève le nez de son grimoire et approcha.

Lekevt étaitn toujours sous sa tente en train d'essayer de mettre du rangement dans son laboratoire de fortune. Une incantation avait retenu son attention il y a quelques jours, une incantation qui pourrait peut être résoudre son problème de polarité. Quand il posa son grimoire et ce retourna il remarqua Gwast accoudé contre l'arbre. Il lui fit un signe d'approcher.

Gwast approcha timidement.
-Ferdosr Gwast, hmm je peux faire quelque chose pour vous mon ami? Il prit quelques verres et servit à Gwast une de ces fameuses liqueur.

- "Ami Lekevt, je souhaitais vous faire part de quelque chose de très personnel... C'est pourquoi je vous demanderai de n'en parler à personne."

Face au signe de tête approbateur du gnome, Gwastuno se laissa à exprimer son mal être et le pourquoi du comment il aimait s'habiller en elfette quand il était seul à l'insu de tous. Il surveillait la bouche de Lekevt avec inquiétude, à l'affût du sourire en coin qui annoncerait qu'il s'était trompé en se confiant.

Ne décelant rien de tout cela, il se lança alors dans une explication enflammée de son grand projet. Avec force de gestes, de dessins et de propositions de mots de pouvoir, il précisa son idée de corps de golem elfe.

Un corps factice, moulé sur le modèle des elfes de la nuit. Il trouverait bien un coiffeur qui lui vendrait des cheveux. Les yeux luisant... des lucioles ou des projecteurs gobelins pourraient faire l'affaire. Le problème de la transposition de son âme dans ce corps relevait de ses compétences et il y travaillait d'arrache-sabot. Mais l'énergie nécessaire pour la force motrice c'était un point qu'il n'avait pas encore résolu et les compétences de Lekevt s'avéraient une aide précieuse.

Il n'était pas au bout de ses peines et en attendant devait trouver une potion ou apprendre un sort d'illusion. Oh... Il allait faire des jaloux ça oui !

Lekevt avait écouté calmement le problème de ce nouveau compagnon. Il c'était efforcé de garder son calme, même si le sujet n'était pas des plus sérieux en soi dans le fond, mais la detresse de ce gnome avait vraiment l'air grave.
Le Sénéchal réfléchissait à ce qui avait pu engendrer un tel problème et si cela n'était pas du à un soucis de confiance en soi, de toute facon il n'était pas le moment de ce poser de tels questions. Il ferma son grimoire et baissa la tête, inspira une grande bouffée d 'air.

Lekevt: Bien, voila un projet d'envergure, j'avoue que dans ma carrière je n'ai jamais vu une telle invention, je vous avouerai même mon chère que je doute que quiconque est puis même y penser. Voyez vous, votre idée, bien que repsectueuse va vous poser un problème, il faut réfléchir si vous souhaitez integrer ce "corps" définitivement, temporairement, ou même sur une longue durée. Un tel...engin demande de l'entretien. En tout ca vous pourrez compter sur moi bien sur.

Gwast: Merci, Sire Lekevt, je vous assure que ca en vaut le coup, mais il faut vraiment que je compte sur votre...discrétion. Vous comprenez imaginez...avec les autres.

Lekevt: Hmm je ferai, je ferai mais de toute facon, si par bonheur nous arrivons à aboutir à un tel projet, il vous faudra bien annoncer à nos compagnons, de votre nouvel...état.

*Gwast baissa la tête*

Lekevt: Bien parlons de ce projet en lui même, pour l'armature il nous faut une matière souple, venez suivez moi, je dois avoir quelques encyclopédie dans mon laboratoire. La regardez une armature en Mithril, pourrait convenir si on le fait chauffer à très forte chaleur, elle en deviendra bien plus mouvante. Contrairement à du cuivre qui durcit, enfin bref...

Gwast: Oui c'est plausible, mais comment faire face à la portée d'une telle chaleur avec les matériaux exterieurs que nous utiliserons? Imaginez avec une telle chaleur, tous ce qui va entrer en contact avec cette armature devrait soi fondre dans la seconde soit ...

Lekevt: c'est la que vous vous leurrez bien que votre esprit soit très dévellopé je puis vous l'assurer, vous êtes un apprenti ingénieur de talent, il faut voir plus loin que toutes ces simples formules. Quand l'Ingénieurie a ses limités alors surgie la magie. C'est la que je vais entrer en compte, je pourrai refroidir à - 100 voir -200° le métal en une fraction de seconde grace à la magie. Mais il est temps de me laisser Gwast, j'ai bien du travail. Allez donc me monter votre projet quand vous aurez les fournitures et que vous serez au point, venez me voir, si vous avez besoin d'aide n'hésitez pas surtout.

Lekevt souria au jeune gnome puis s'inclina. Gwast lui rendit son sourire puis s'éloigna du laboratoire de fortune.

Lekevt prit un parchemin et sa plume.

N'oubliez pas Gwastuno quand la science a ses limites la magie n'en a aucune.

Il souffla sur la papier qui ce transforma en moineau.

-Va, papier, va, c'est pour Gwast.

Gwastuno marchait avec empressement en direction de la masure de maître Folendive à Sombre-Comté. Il était saisi d'une excitation sans pareille depuis que le spécialiste en golem lui avait fait parvenir un message :

Citation :: "l'oiseau est dans le nid, un doigt puis 4 et 6 qui font plouf".
F.

Au fond, il ne savait pas ce que ça signifiait. Le loustic était bizarre, foutrement étrange. Mais le message semblait important et il avait peut-être touché au but et enfin pu mettre en oeuvre les techniques lumineuses de l'ingénieux Lekevt.

Il était presque arrivé mais tout perdu qu'il était dans ses pensées, il sentit à peine le froid sur son crâne chauve. Levant la tête, il manqua de s'étrangler en voyant un énorme museau baveux commettre l'irréparable en suçant son magnifique chapeau. Fylthsie... La vache du voisin. Fou de rage devant le sacrilège, et miroitant déjà les succulents faux-filets qui allait aggrémenter son repas du lendemain, il commençait à tisser une invocation. Un démon inférieur serait ravi de découper quelques cotelettes. Simple réflexe désormais.

- "Ca f'ra 15 pièces d'aour la liv', l'nondedcheu d'nabot !", rugit une voix émanant d'une diablolique ombre fourchue.

Le père Anatole Puréverte n'était pas facile et semblait prendre un malin plaisir à cracher ses chiques sur la barrière pour qu'on ne puisse pas y poser les mains. Nom d'un infernal ! Lui et sa bestiole étaient collant. Si la garde de Sombre-Comté n'avait pas été aussi mobilisée ces derniers temps... On aurait sûrement retrouvé et le paysan, et la cornue victimes de combustion spontanée. Mais pour l'heure, il avait mieux à faire. Il reprit son chemin en arrachant le chapeau de la gueule de l'animal. Il lui épilerait les cils un à un plus tard.

Remettant son chapeau désormais troué sur sa tête, il frappa à la porte.

- "Oui !? Qui est-ce ?"
- "Gwastuno maître ! J'ai reçu votre message."

La porte s'ouvrit lentement et la tête bouffie du vieillard apparut dans l'entrebaillement, les yeux plissés de fatigue et non pas en raison de la lumière extérieure. Pas ici à Sombre-Comté.

- "Ah ! Vous voilà enfin. J'ai quelque chose de fichtrement intéressant à vous montrer. Promettez-moi de rester calme, petit, hein !"

Bien qu'il en rêva chaque nuit, ça ne restait que des fantasmes. Il ne s'attendait pas à ce qu'il s'apprêtait à voir. Le corps inerte d'une elfe plus vraie que nature était placé sur la table de travail du vieux nigaud. Les cheveux ramenés en une longue tresse bleue nuit longeaient le corps parfait de ce qu'il savait pourtant n'être qu'un artifice.

Il avait toujours eu peur que le résultat fût comme une grosse pomme en pâte à modeler. Mais le résultat dépassait ses espérances. Elle était ravissante. Elle était lui... Ou l'inverse... Il resta un moment à la contempler de long en large, se répandant en compliments pour le travail du vieil homme.

- "Vous avez fait vite maître. Je ne suis pas prêt du tout. Je n'ai toujours pas finalisé le procédé pour transposer mon âme et le maintenir dans le vaisseau."
- "Alors nous avons un problème. Foutredieu, ce corps n'est pas fait de chair et d'os. S'il ne bouge pas il va durcir et devenir comme une de ces statues de guignols de Hurlevent. Et de plus, il faudra lui faire prendre régulièrement des bains de boue pour qu'il s'hydrate, avec quelques additifs j'entends bien."
- "Mille enfers, et moi qui ne suis pas encore arrivé à une méthode fiable de transposition. Comment vais-je faire d'ici là ?"
- "Le corps ne peut rester ici, et il doit bouger. Le reste c'est votre boulot ! Payez-moi et que ce corps fiche le camp dans les 3 jours. Après je le mets dans un trou. "

Le petit gnome eut un pincement au coeur à ces derniers mots. C'était ce corps et aucun autre. L'opportunité pourrait ne jamais se représenter. D'un vague au revoir et promettant de trouver une solution rapidement, il sortit de la maison. Le vent s'était levé, il s'enfonça dans son manteau. Il faisait face au champ du crotteux de voisin où une Fylthsie droite et campée sur ses pattes semblait attendre son passage malicieusement.

Sacrée Fylthsie qui comptait sûrement lui faire une nouvelle moustache avec sa queue poilue ou l'éclabousser avec de la boue. Elle aimait ça la vase l'andouille. C'est alors qu'une idée germa dans ce qui restait de sa cervelle perturbée. Fouillant les alentours à la recherche d'un ivrogne armé d'un trident à fumier, Gwastuno s'approcha de la vache en arborant un sourire légèrement cruel (mais pas plus que de nécessaire) :
- "Chère, très chère âme, si on m'avait dit que l'espoir pouvait prendre forme bovine ... Je serai certainement parti sur un fou rire. Prépare-toi pour le grand voyage ma belle."